Le gouvernement vient de publier la Stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire. Coconstruite et portée avec les acteurs concernés, celle-ci vise le doublement de sa part modale d’ici 2030.
Pendant plusieurs décennies, le ferroviaire a connu un important déclin de sa part de marché dans le transport de marchandises en France. Aujourd’hui, le fret ferroviaire ne représente que 9 % des marchandises transportées. La désindustrialisation et d’autres facteurs exogènes expliquent en partie cela, mais le train souffre aussi de déficits de compétitivité et de difficultés qui lui sont propres.
Face à ce constat, en 2019, lors de l’examen au Parlement du projet de loi d’orientation des mobilités (LOM), des députés souhaitant « redonner un souffle au fret ferroviaire français » et « inscrire le transport de marchandise dans l’objectif de neutralité carbone que s’est fixée la France à l’horizon 2050 » ont déposé un amendement demandant au gouvernement d’élaborer une stratégie pour le développement du fret ferroviaire. Cet amendement a été adopté et est entré dans la loi avec la promulgation de la LOM le 24 décembre 2019. Devenu l’article 178, il demande à cette stratégie de comporter des mesures sur un certain nombre de sujets concourant à la compétitivité de ce mode de transport et de fixer un objectif d’accroissement de la part modale du fret ferroviaire.
Une stratégie élaborée avec les acteurs
Afin d’élaborer une stratégie qui soit la plus efficace possible et en adéquation avec les besoins réels, le gouvernement et les services du Ministère en charge des transports ont souhaité s’appuyer sur les acteurs du secteur, de la logistique, des territoires et les clients du transport ferroviaire.
Dans cette démarche, ils ont été particulièrement aidés par l’alliance 4F « Fret Ferroviaire Français du Futur ». Créée en 2020, elle regroupe l’ensemble de la filière ferroviaire française : entreprises de fret ferroviaire, opérateurs de transport combiné, commissionnaires, etc. Son tout premier travail a été d’élaborer un « plan de relance ». Publié en juin 2020, il comprend 30 propositions d’actions regroupées en 10 axes. Il invite à avoir comme objectif de doubler la part modale du fret ferroviaire en la faisant passer de 9 % à 18 % en 2030. Cet objectif sera finalement repris à son compte par l’État dans la Stratégie et la loi Climat & Résilience.
Le Ministère a également souhaité associer les acteurs des territoires afin de prendre en compte leurs besoins et enjeux spécifiques. Il s’est notamment appuyé sur les Régions mais aussi sur les services déconcentrés de l’État.
Comme ses homologues dans le reste de la France, la DREAL Grand Est a ainsi été sollicitée par l’administration centrale en septembre 2020 afin de recueillir la vision des actions à mener et des défis à relever en matière de fret ferroviaire pour le territoire et ses acteurs. Pour élaborer sa contribution, elle a souhaité s’appuyer sur son réseau de partenaires et, en particulier, sur l’ORT&L Grand Est et ses membres. Un questionnaire d’enquête a ainsi été diffusé. Suite à cette sollicitation, des acteurs variés (chargeur, professionnel du secteur ferroviaire, port fluvial…) ont fait part de leurs retours à la DREAL. Sur cette base, elle a rédigé un rapport présentant les enjeux spécifiques au Grand Est et listant, par thématique, les enjeux qui ont été identifiés. Pour chacun de ces enjeux, des idées d’actions ont été formulées afin d’essayer d’y apporter des réponses.
Télécharger la Contribution à l’échelle du Grand Est à la stratégie nationale de relance du fret ferroviaire
Une stratégie concertée
Suite aux différentes contributions reçues, les services de l’État responsables de la rédaction de la Stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire ont mené un important travail de tri, de synthèse et d’organisation des propositions. La Stratégie devait comporter des objectifs et un calendrier clairs et ambitieux, couvrir l’ensemble des leviers d’action et mobiliser tant les pouvoirs publics que les différents acteurs du secteur.
Avant sa publication, le projet de Stratégie a fait l’objet d’une phase de concertation. Celle-ci a mobilisé une nouvelle fois les acteurs qui avaient fait part de leur vision des enjeux et de leurs propositions d’actions.
Elle a aussi associé, conformément au texte de la LOM, le Conseil d’orientation des infrastructures (COI), institutionnalisé par cette même loi. Le COI devait ainsi rendre un avis sur cette Stratégie. L’avis du COI a permis d’enrichir la Stratégie sur plusieurs points, comme la complémentarité avec le mode fluvial, également soulignée dans la contribution à l’échelle du Grand Est. Le COI insiste aussi sur l’importance, pour atteindre les objectifs de la Stratégie, de la mobilisation et de la responsabilité des différentes parties prenantes : en premier lieu, le gestionnaire d’infrastructures et les chargeurs, mais aussi les collectivités territoriales. Il prône une amélioration étape par étape qui prendra nécessairement du temps : d’abord, sauver et redresser, avant de pouvoir développer et amplifier le fret ferroviaire sur la base d’une situation assainie et grâce à la modernisation du secteur et aux innovations.
Télécharger l’avis du Conseil d’orientation des infrastructures
Un portage partagé des actions
C’est à l’occasion de la SITL, grand salon professionnel consacré aux transports et à la logistique, que le Ministre délégué chargé des Transports, Jean-Baptiste Djebbari, a rendu public, le 13 septembre 2021, le texte de la Stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire.
Les actions et le portage de cette Stratégie associent pleinement à la fois l’État, SNCF Réseau, les opérateurs de fret ferroviaire, les chargeurs, l’Établissement public de sécurité ferroviaire, les collectivités territoriales ainsi que des établissements publics tels que les ports. Pour chaque action, un ou plusieurs responsables sont chargés de leur mise en œuvre.
Afin de formaliser l’engagement commun à mettre en œuvre cette Stratégie afin d’atteindre ses objectifs, le Ministre, l’Alliance 4F, l’Association des Utilisateurs de Transport de Fret (AUTF), et SNCF Réseau ont signé, lors de la SITL, un Pacte pour le développement du fret ferroviaire. Ses signataires prennent chacun plusieurs engagements et, en particulier, s’obligent à mettre en œuvre les mesures de la Stratégie relevant de leur responsabilité et à travailler les uns avec les autres à l’amélioration de la performance du système logistique ferroviaire français.
Un comité de suivi de la Stratégie nationale de développement du fret ferroviaire sera chargé de son suivi dans la durée. Il veillera à l’atteinte de ses objectifs au niveau des actions retenues mais aussi des résultats attendus et, plus particulièrement, celui de doublement de la part modale du fret ferroviaire. Pour ce faire, il s’appuiera sur un certain nombre d’indicateurs : part modale, qualité de service, taux de satisfaction, montants d’investissements, etc. En ce sens, la Stratégie comprend explicitement des mesures autour de son suivi et de l’amélioration de la connaissance du fret ferroviaire et des flux de transport.
3 axes, 12 orientations, 72 mesures
Après un état des lieux de la situation du fret ferroviaire en France, de ses évolutions et ses difficultés, dans la diversité de ses différents marchés, la Stratégie fixe des objectifs ambitieux de développement du fret ferroviaire :
- Doubler sa part modale à l’horizon 2030
- Viser un objectif de 25 % de part modale à l’horizon 2050
- Répondre aux ambitions de la stratégie nationale bas-carbone
- Être en ligne avec les ambitions européennes
- Être en cohérence avec les autres politiques publiques en matière portuaire, fluviale et économique
Pour les atteindre, la Stratégie comprend un plan d’actions en 3 axes visant à couvrir l’ensemble des leviers d’amélioration. Ces 3 axes se déclinent en 12 orientations :
1. Faire du fret ferroviaire un mode de transport attractif, fiable et compétitif
1. Améliorer la qualité de la réponse au client
2. Améliorer la qualité de service du gestionnaire d’infrastructure
3. Renforcer la compétitivité du rail
4. Investir dans l’innovation et la digitalisation
5. Faire du fret ferroviaire un mode de transport 100 % écologique et social
2. Agir sur tous les potentiels de croissance du fret ferroviaire
6. Développer spécifiquement les différents segments de marché du fret ferroviaire
7. S’appuyer sur le potentiel de croissance des ports maritimes
8. Jouer la mutualisation avec le transport fluvial
9. Inscrire le développement du fret ferroviaire dans une dimension européenne
3. Accompagner la modernisation et le développement du réseau
10. Poursuivre l’adaptation du réseau structurant
11. Moderniser les infrastructures spécifiques au fret ferroviaire
12. Investir dans le développement de nouvelles capacités
En tout, la Stratégie comprend 72 actions. Pour la plupart, leur mise en œuvre se fera ou débutera dès 2021 ou 2022. 28 mesures s’inscrivent notamment dans le cadre du plan France Relance dont la transition écologique est un objectif stratégique et qui comporte un important volet ferroviaire. Enfin, 5 actions sont des mesures de soutien public à l’exploitation, c’est-à-dire des aides de l’État allégeant les coûts pour les opérateurs ferroviaires : forte prise en charge des redevances de circulation, aides au wagon isolé, au transport combiné et à la mise en place de nouveaux services d’autoroutes ferroviaires.
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